Souvenez-vous, en mars 2018, nous avions détaillé les règles fiscales et sociales particulières instituées par le législateur pour booster l’économie collaborative (exonération d’impôt, exemption TVA, dispense des cotisations sociales, etc) – https://litiss.be/le-travail-collaboratif-une-nouvelle-maniere-dexercer-une-activite-complementaire/.

Au grand dam des défenseurs de ce jeune modèle économique en pleine expansion, la Cour Conditionnelle décida qu’était injustifiée la différence de traitement entre les personnes qui exercent les mêmes activités, selon qu’elles le feraient sous un statut ordinaire (salarié/indépendant) ou sous celui de prestataire de services via une plateforme électronique agréée. Ainsi selon la Cour :

Il n’est pas justifié que le livreur Deliveroo ne soit pas taxé sur les 6.000 €/an qu’il a gagné, contrairement au livreur salarié d’un restaurant.

Il n’est pas justifié que le chauffeur Uber soit exempt de cotisations sociales (ONSS ou indépendant) pour une partie des montants récoltés, contrairement au chauffeur taxi salarié ou indépendant.

Idem pour le babysitting, gardiennage, cours particuliers, nettoyage, et services divers en tout genre…

Les arguments soulevés par les partisans de l’économie collaborative ont été balayé un par un par la Cour Suprême :

  • Combat efficace contre le travail au noir :
    Cela ne justifie pas que les indemnités perçues échappement totalement à la sécurité sociale ou à l’impôt
  • Elle propose un modèle d’entraide et de solidarité rapide et économique qui renforce les liens sociaux entre concitoyens, l’indemnisation est un objectif secondaire :
    Il s’agit là d’une « supposition non fondée » qui dépend de la situation personnelle des intéressés. La plus-value sociale ne peut être établie en l’absence de limitation légale de la nature des services
  • Elle permet de s’essayer à une profession avant de se lancer en tant qu’indépendant :
    La Cour y voit une contradiction en ce que la loi interdit que l’activité soit professionnelle
  • La Cour ajoute que le manque de clarté entre le statut indépendant ou salarié des utilisateurs des plateformes agréées ne pourrait justifier « l’exonération totale de la législation sur le travail, du régime de sécurité sociale et des obligations fiscales ».

Pour éviter le chaos, la Cour ne pouvait se prononcer que sur la loi du 18 juillet 2018 qui instituait l’exonération fiscale jusqu’à +/-6.000 € l’année, le régime fiscal est maintenu pour l’année 2020.

Et après ? la loi du 1er juillet 2016 restera en principe en vigueur… mais on peut se demander si les dispositions déjà favorables de la loi de 2016 (10% d’impôt sur les revenus, exemption TVA, dispenses de cotisations sociales, etc) sont encore compatibles avec le raisonnement de la Cour constitutionnelle. L’incertitude règne, il convient de rester attentif.

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