Des décisions administratives rendues par l’ONEm sanctionnent des travailleurs ayant été placés (contre leur gré) en chômage temporaire Covid et qui ont bénéficié, dans le même temps, d’allocations de chômage et de revenus tirés d’une activité indépendante complémentaire. La sanction peut être lourde car outre une exclusion du chômage pour l’avenir, l’ONEm peut demander le remboursement des allocations déjà perçues.

Ce cumul est-il possible ?

Le principe général issu de la réglementation chômage interdit le cumul d’allocations avec une activité professionnelle (même non rémunérée !).

Ce n’est que par exception qu’un cumul est autorisé en respectant les conditions réglementaires strictes de l’activité accessoire (déclaration lors de la demande d’allocations, exercice de cette activité depuis au moins trois mois précédant la demande d’allocations, restrictions quant à l’activité et les revenus perçus…)

Toutefois, le gouvernement avait assoupli cette réglementation en juin 2020 en raison du premier confinement Covid en admettant que le chômeur temporaire pouvait, dans la période qui s’étendait du 1er février 2020 au 30 juin 2020 inclus, exercer une activité à titre accessoire avec maintien du droit aux allocations, sans devoir respecter ces restrictions, à la condition qu’il ait déjà exercé cette activité accessoire dans le courant des trois mois qui précèdent le premier jour où il a été mis en chômage temporaire suite au virus COVID.

Les arrêtés royaux qui ont suivi ont étendu cette période dérogatoire successivement du 1er février 2020 au 31 aout 2020 inclus et du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2022 inclus.

L’ONEm adopte une interprétation stricte de cette disposition en arguant que la période de trois mois qui précèdent le premier jour de chômage temporaire suite au virus COVID est exclusivement celle visant la première période d’indemnisation ;

Autrement dit, cette dérogation ne concernerait que les activités complémentaires créées dans les trois mois précédant le premier confinement 2020 (date à laquelle les travailleurs ont été mis dans leur très grande majorité pour la première fois en chômage covid).

L’ONEm argue également que l’activité doit avoir été exercée durant les trois mois qui précèdent (c’est-à-dire depuis le premier mois des trois mois).

Un récent jugement rendu par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles le 25 avril 2023 (inédit, RG 22/3737/A) a invalidé cette thèse. Son argumentation en substance est la suivante :

  • Le texte ne mentionne pas qu’il doit s’agir exclusivement de la première période d’indemnisation chômage covid du travailleur mais du « premier jour d’une période d’indemnisation » ;
  • Le texte mentionne dans le courant des trois mois, par opposition à durant les trois mois : autrement dit, au moins un jour d’exercice de l’activité dans ces trois mois suffit ;
  • L’objectif de la réglementation est d’éviter de sanctionner un travailleur qui a commencé une activité accessoire alors qu’il ne pouvait légitimement prévoir qu’il allait être remis en confinement contre son gré dans les trois mois ;
  • « C’est d’ailleurs dans cet esprit que l’arrêté royal en question a été adapté à plusieurs reprises pour ne pas figer la situation à l’époque de mars 2020 mais la faire évoluer en fonction de la situation sanitaire » (ce qui explique les extensions successives aux périodes du 1er février 2020 au 31 aout 2020 inclus et du 1er octobre 2020 au 31 décembre 2022 inclus).

Le Tribunal conclut avec l’attendu suivant : « L’article Ier de l’arrêté royal du 22 juin 2020 serait discriminatoire s’il était interprété comme ne s’appliquant qu’au travailleur qui a exercé son activité accessoire au moins un jour dans les trois mois précédant sa première période de chômage corona et non au travailleur qui a exercé son activité accessoire au moins un jour pendant les trois mois précédant une période subséquente de chômage corona ».

En conclusion, nous estimons que le cumul d’allocations de chômage temporaire Covid avec des revenus tirés d’une activité complémentaire est possible aux conditions suivantes :

  1. Ladite activité doit avoir été entamée pendant une période de travail pour l’employeur, c’est-à-dire une période forcément sans bénéfice d’allocations de chômage covid ;
  2. À la date où le travailleur est replacé postérieurement en chômage temporaire covid-19, il doit avoir exercé, au moins un jour, son activité au cours des trois mois précédents ;

Dans ce cas, le travailleur n’a pas l’obligation de déclarer son activité accessoire indépendante à l’Onem et peut cumuler avec la perception d’allocations de chômage temporaire corona.

La réglementation ne prévoit aucune limite ; en théorie on pourrait donc, sous ces conditions, cumuler à l’infini sans aucune déclaration préalable…

Il s’agit bel et bien d’une situation exceptionnelle dans cette matière où les cumuls sont rares et très réglementés !

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