Dans son arrêt récent du 9 juin 2022, la Cour du travail de Bruxelles s’est prononcée sur les pratiques de l’INAMI en cas de cumul d’une activité non déclarée et du bénéfice des indemnités versées par la mutuelle pour incapacité de travail.

La Cour rappelle tout d’abord qu’il est en principe interdit de travailler tout en touchant les indemnités d’incapacité de travail, sauf accord du médecin conseil de la mutuelle.

En l’espèce, le bénéficiaire d’indemnités avait été déclaré en incapacité depuis le 1/03/2013. Il fut condamné pour activité illégale de détention et de vente de cannabis pour la période du 5/12/2014 au 24/11/2015.

Une procédure de régularisation doit, dans le cas d’activité non déclarée pendant une période d’obtention des indemnités d’incapacité de travail, être automatiquement prévue.

Cette procédure suppose que le travailleur soit examiné par le médecin afin de déterminer si à la date de l’examen, l’incapacité de travail subsistait (et si, du coup, les indemnités sont toujours dues pour l’avenir).

L’assuré social est en tout état de cause tenu de rembourser les indemnités pour les jours de la période durant laquelle il a accompli le travail non autorisé (même si son incapacité devait demeurer et qu’il n’a perçu aucun revenu de son activité).

Dans le cadre de cette procédure, les jours pour lesquels les indemnités sont récupérées, sont assimilés à des jours indemnisés pour la détermination des droits aux prestations de sécurité sociale (jours assimilés pour le calcul d’accès au chômage, accès à l’assurance soins de santé, allocations familiales…).

Vu l’activité illégale du travailleur, la mutuelle avait entamé cette procédure et fait examiner ce dernier. Le médecin confirma son incapacité à travailler. La mutuelle demanda alors le remboursement des allocations perçues durant l’activité non déclarée pour les deux années antérieures, à partir du 1/09/2015 (prescription de deux ans).

L’INAMI considérait plutôt, conformément à sa circulaire n° 2011/24 du 14.01.2011 (https://www.inami.fgov.be/SiteCollectionDocuments/circulaire_mutualites_2011_24_si.pdf), que la procédure de régularisation ne devait pas s’appliquer en raison du fait que le volume de l’activité non déclarée était supérieur au volume de celle « exercée » avant l’incapacité de travail (aucune ici car l’intéressé était au chômage avant d’être déclaré en incapacité).

Par conséquent, l’intéressé devait selon l’INAMI rembourser les indemnités perçues à partir du début de l’activité non déclarée et postérieurement car l’INAMI considère cette situation comme une reprise spontanée du travail qui suppose le remboursement des indemnités dont le travailleur a bénéficié depuis la reprise d’activité. L’INAMI invoquait aussi la prescription spéciale de cinq ans étant donné les manœuvres frauduleuses du travailleur. L’arriéré était donc sensiblement supérieur.

La Cour du travail de Bruxelles a sanctionné la circulaire précitée de l’INAMI : aucune disposition légale ne prévoit que la procédure de régularisation n’aura lieu qu’en cas d’une activité non autorisée dont le volume est inférieur à celle exercée avant l’incapacité de travail.

L’INAMI ne peut édicter des circulaires non conformes à la loi.

L’intéressé ne devait donc en l’espèce rembourser les indemnités que pour la période de l’activité non déclarée (et non postérieurement) et cette période fut assimilée à des jours indemnisés pour le calcul de ses prestations sociales.

La Cour ne voit pas non plus en quoi l’activité illégale de l’intéressé constituait en une manœuvre frauduleuse entendue comme « l’agissement volontairement illicite dont use le bénéficiaire de prestations sociales pour en obtenir indûment l’octroi ou le maintien ».

En résumé, il nous semble intéressant de retenir ceci :

  • Même si l’activité est illégale, peu importe son volume, si elle n’a pas fait l’objet de l’accord du médecin-conseil, la mutuelle doit mettre en place la procédure de régularisation dès qu’elle apprend l’existence de cette activité par le service inspection de l’INAMI ;
  • Si l’incapacité de travail est confirmée, l’activité ne sera pas considérée comme une reprise spontanée (et donc sortie de l’état d’incapacité) et l’assuré social ne devra rembourser que les indemnités reçues pendant la période de l’activité non déclarée ;
  • L’assuré social évite alors d’être considéré par l’INAMI comme apte et donc de devoir rembourser toutes les indemnités versées jusqu’à une déclaration spontanée d’incapacité après du médecin-conseil de la mutuelle ;
  • La prescription est limitée en principe à deux ans et à cinq ans par exception s’il est considéré que l’assuré social a frauduleusement agi pour obtenir/garder les indemnités.

En définitive, il vaut mieux ne pas exercer une activité sans l’accord du médecin-mutuelle, on s’expose à devoir rembourser les indemnités d’invalidité reçues pendant la période de cette activité. De plus, l’assuré social devra en principe être automatiquement réexaminé et si le médecin constate l’aptitude au travail, il sortira immédiatement du bénéfice de l’assurance maladie-invalidité.

En revanche, il est désormais confirmé par la Cour que si le médecin confirme l’état d’incapacité, malgré avoir exercé une activité non déclarée (même illégale, même de grande ampleur), l’INAMI ne pourra pas considérer la situation de l’assuré social comme une reprise spontanée du travail et ce dernier bénéficiera pour l’avenir des indemnités d’incapacité de travail (mais il devra rembourser les indemnités perçues pendant la période de l’activité non déclarée).

Notons enfin que le remboursement ne peut avoir lieu que deux années en arrière à partir de la demande formelle. En cas de fraude, la prescription s’élargit à cinq ans mais l’intention frauduleuse doit être démontrée par l’administration, ce qui n’est pas aisé.

Il est en effet intéressant de constater en l’espèce que malgré l’activité illégale non contestée (car coulée en force de chose jugée par un juge pénal), la Cour du travail n’y a pas vu de lien avec un agissement volontaire frauduleux de conserver les indemnités malgré l’activité que son auteur – qui touchait les indemnités – savait illégale.