Dans le secteur public, un travailleur statutaire souffrant de symptômes du burn-out peut bénéficier des indemnités légales prévues en cas de maladie professionnelle.

C’est la décision récente obtenue du Tribunal du travail du Brabant-Wallon (1). Ceci signifie-t-il alors que toute situation de burn-out doit être considérée comme maladie professionnelle ? Ce jugement ouvre-t-il désormais la voie à une reconnaissance automatique ? Me Astrid JACQUES précise les conditions imposées par cette jurisprudence inédite.

1. Le travailleur doit présenter une maladie

Le travailleur devra rassembler une documentation objective attestant des symptômes propres au burn-out, qui est une maladie dite « hors-liste ».

Ces documents médicaux sont primordiaux : les certificats médicaux et plusieurs rapports d’experts psychiatres consultés par le travailleur ont, en l’espèce, convaincu le Tribunal de l’existence d’une maladie.

Le juge rappelle en effet qu’une maladie peut être par définition n’importe quelle maladie, sans limitation, sans exclusion, la lésion pouvant être corporelle et/ou psychique.

Il faut noter que l’expert judiciaire (celui désigné expressément par le Tribunal) conclut également à l’existence d’une maladie.

2. L’exposition au risque professionnel

Il est requis un lien entre les facteurs d’incapacité et l’environnement professionnel. La seule exposition professionnelle ne suffit toutefois pas, il faut qu’il y ait une exposition au risque professionnel : « l’exposition doit être suffisante (en intensité ou en durée, par exemple) pour créer le risque que le travailleur contracte la maladie, elle doit être « tout simplement plus grande que celle subie par la population en général ».

Le contexte professionnel doit être la cause de la maladie. C’est ici une affaire à analyser au cas par cas puisque des symptômes dépressifs peuvent avoir leur cause dans bien des maux.

La travailleuse faisait l’objet d’un hyperconflit avec son supérieur hiérarchique. Une première demande d’intervention formelle du conseiller en prévention avait abouti à une mesure d’éloignement. Cette mesure sera pourtant abandonnée pendant le congé de maternité de la travailleuse. Elle formulera par la suite une seconde demande en reconnaissance d’un harcèlement moral mais en sera cette fois déboutée.

Le Tribunal rappelle toutefois que la définition légale de risques psychosociaux au travail ne se réduit pas au harcèlement mais entend tous risques de dommage psychique et/ou physique suite à l’exposition à toutes composantes de l’environnement du travail, sur lesquelles l’employeur a un impact et qui comportent objectivement un danger.

Il est médicalement démontré, selon le Tribunal, que ce sont bien les relations interpersonnelles avec un collègue hiérarchique qui sont en lien avec la maladie (ce qui correspond à un risque psychosocial) et que puisque la travailleuse n’était pas soumise à un tel rapport hiérarchique dans sa vie privée, le lien entre maladie et milieu professionnel est consommé. Le Tribunal relève que, dans sa vie privée, la travailleuse aurait pu éviter les contacts avec une personnalité avec laquelle elle développe des incompatibilités. Pas dans le cadre professionnel.

A nouveau, l’expert judiciaire avait déjà reconnu ce lien entre les facteurs d’incapacité et l’environnement professionnel.

3. Un lien causal direct et déterminant entre la maladie et l’exercice de la profession

Il doit être établi que la maladie ne se serait pas déclarée comme telle sans le facteur professionnel. Le lien doit être principal ou évident. Il ne doit pas nécessairement être exclusif. Le facteur professionnel peut donc coexister, notamment, avec d’autres facteurs, dont des prédispositions pathologiques qui ont eu une incidence sur le déclenchement de la maladie.

Le Tribunal relève que le rapport d’expertise confirme que la maladie n’est pas une atteinte spontanée mais qu’elle est liée, par nature, à un traumatisme reposant sur la situation conflictuelle avec la personne hiérarchique.

Le rapport d’expertise n’était pas critiqué sur ce point par la partie adverse. Le Tribunal conclut alors à la maladie professionnelle.

En conclusion, sur base de cette jurisprudence inédite, les éléments suivants nous semblent essentiels pour faire reconnaitre un burn-out comme étant une maladie professionnelle :

  • Un dossier de pièces objectives qui atteste médicalement par plusieurs experts consultés durant un laps de temps certain, des symptômes burn-out et du lien direct avec le milieu professionnel
  • Des faits caractérisés vécus, propres au travail, à l’origine de la maladie, et correspondants à la définition légale des risques psycho-sociaux (comme ici, l’hyperconflit avec le supérieur hiérarchique)
  • Un dossier psychologique aussi épuré que possible d’autres causes de l’état psychologique fragilisé.

D’aucuns diront que ce jugement ouvre une boite de Pandore dangereuse pour les finances de l’Etat. D’autres y verront l’application correcte des notions légales.

L’avenir dira si cette jurisprudence restera isolée et réformée en appel ou au contraire, entrainera une reconnaissance plus généralisée de certaines maladies psychosociales rencontrées malheureusement trop souvent dans notre pratique. Ce qui est certain c’est que les mentalités évoluent.

Ce jugement fait aussi poser la question des burn-out pour les travailleurs sous contrat de travail car les conditions légales applicables aux statutaires sont similaires à celles applicables aux contrats de travail. Affaire à suivre donc de très près !

Article écrit en collaboration avec Astrid Jacques

(1) Division Wavre, jugement du 21/05/2021

photo: Pexel – Thirdman – CC