Nous fêtons les trois bougies de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui a consacré l’obligation pour tout employeur public d’auditionner le travailleur sous contrat de travail selon des garanties propres aux droits de la défense avant tout licenciement.

Cet anniversaire est l’occasion de se pencher sur l’application concrète de ce principe par les Cours et Tribunaux du Royaume. Un intéressant jugement du Tribunal du travail du Hainaut, division Charleroi, illustre de manière éloquente la pratique des juges du travail sur cette question.

Le Tribunal confirme que l’audition doit être effective, c’est-à-dire qu’elle doit comporter les garanties suivantes :

  • Un avertissement de l’audition par une convocation explicite de la mesure envisagée et de sa motivation.
  • Une prise de connaissance par l’administré du dossier à charge.
  • Un délai suffisant pour faire valoir ses observations.
  • La possibilité d’être assisté par un conseil de son choix.
  • On rajoutera que d’autres décisions ajoutent la possibilité de déposer des pièces à décharge et faire appel à des témoins.

Trop souvent l’on constate que ces auditions ne sont en réalité que des entretiens de licenciement où l’intéressé est pris de court, isolé face à des accusations formulées par une direction bien préparée et souvent en surnombre, et une décision déjà prise avant même l’audition.

Les juges du travail y sont attentifs et la jurisprudence de ces trois dernières années confirme qu’ils exigent le respect des garanties propres aux droits de la défense.

La question demeure toutefois, quelle est la sanction applicable en cas d’absence d’audition effective ? en effet, il n’y a pas en Belgique de réintégration du contractuel irrégulièrement licencié. Pas question de retrouver son poste suite à un licenciement sans audition.

C’est ici que le jugement du Tribunal du travail de Charleroi met en lumière un mécanisme juridique ingénieux opéré par les juges : en négligeant d’auditionner correctement le travailleur, l’employeur lui fait perdre une chance de conserver son emploi.

Le travailleur ne devra pas prouver que l’audition aurait à coup sûr sauvé son boulot. Il doit démontrer que si l’employeur lui avait offert les garanties reprises ci-dessus, il aurait pu faire valoir des circonstances éclairantes et justificatives qui auraient pu changer la donne.

Si le juge est convaincu, il alloue une somme nette en dommages et intérêts généralement comprise entre 2.500 et 10.000 € (sans préjudice d’autres indemnités liées à un licenciement irrégulier).

L’affaire concerne un employeur public mais quid dans le secteur privé ? On n’y retrouve pas la même exigence d’audition effective. Je ne vois pas à ce sujet ce qui peut encore justifier la différence de traitement entre les travailleurs sous contrat de travail que leur employeur soit du secteur public ou du secteur privé.

Cette question est à mon sens plus que susceptible d’évolution significative dans les temps à venir, que l’on espère meilleurs !

Pour une étude plus complète sur la question, voy. B.-H. Vincent et A. Vangansbeek, « De l’obligation d’audition préalable avant de licencier dans le secteur privé », Orientations, 2019/11.

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