C’est ce que la Cour du travail de Liège a décidé dans son arrêt du 17 mars 2022 (J.T.T., 2022, p. 327).

Le travailleur était engagé en tant qu’ouvrier polyvalent auprès d’une Régie sportive. Il fut arrêté et placé en détention préventive suite au décès de son épouse.

Le prévenu fut libéré de la préventive sous certaines conditions et prit contact avec son employeur pour reprendre son travail.

Après avoir été auditionné, le travailleur fut licencié pour motif grave. Ce dernier reconnait les faits.

La Cour insiste qu’un homicide par étranglement est un fait grave mais que cela n’entraine pas automatiquement la condition légale de perte de confiance immédiate et définitive chez l’employeur, que suppose un congé pour motif grave.

La Cour prend en considération les éléments suivants :

  • Une expertise psychiatrique a conclu que le travailleur avait conservé toute sa faculté de discernement, qu’il a souffert d’un « épuisement psychologique » dû à l’alcoolisme de son épouse et que le risque de récidive était improbable ;
  • L’homicide est intervenu dans le cadre d’un contexte familial particulier, totalement étranger au lieu de travail ;
  • La Direction était au courant des difficultés du travailleur avec son épouse, en particulier son alcoolisme maladif ;
  • Le travailleur n’a pas nié les faits et s’est tenu à la disposition de son employeur afin qu’il prenne sa décision ;
  • Le travailleur était apprécié des collègues et il n’est pas démontré que la relation eût été impossible en raison de leurs réactions ;
  • Le travailleur était très compétent, sociable, sympathique et n’était pas confronté au public extérieur ;
  • L’image de l’employeur ne pouvait être ternie car le travailleur bénéficiait encore de la présomption d’innocence.

La Cour conclut que le comportement du travailleur pouvait justifier un licenciement pour cause de « confiance ébranlée » mais pas au point d’empêcher le préavis légal de 15 semaines.

Cet arrêt rappelle que le caractère grave d’une faute ne suffit pas dans le cadre d’un motif grave : encore faut-il que cette faute soit de nature à rendre impossible immédiatement et définitivement toute collaboration professionnelle.

Ceci signifie que l’employeur doit démontrer que la poursuite de la relation de travail était tout à fait impossible, en ce compris sous une autre forme, même pour une courte période. Le pouvoir d’appréciation du juge est très large sur cette question.

En l’espèce, l’employeur a échoué dans cette démonstration. Sans doute l’issue eût été différente si des témoignages de collaborateurs ou partenaires commerciaux constataient de réelles réticences au retour du travailleur inculpé.

En conclusion, la prudence reste de mise, même dans le cas d’une faute manifestement grave. Un dossier convaincant de l’impossibilité totale de continuer la collaboration doit également impérativement être pris en compte, cet arrêt l’illustre très explicitement !

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