Un arrêt de la Cour du travail de Liège du 20 juin 2022 répond utilement à la question (lien ici).

La Cour rappelle en premier lieu que le préavis n’est autre que l’information donnée par l’une des parties au contrat de travail à l’autre partie selon laquelle le contrat prendra fin à l’expiration d’un certain délai.

Pendant l’écoulement de ce délai, les obligations réciproques des parties (en substance fournir le travail rémunéré d’un côté et exécuter ce travail de l’autre) sont donc par principe maintenues.

Une dispense de prestation pendant le délai de préavis n’est encadrée par aucune disposition légale particulière1, note la Cour.

Il s’en suit que cette dispense est à première vue incompatible avec l’obligation fondamentale de l’employeur de fournir le travail convenu. Par conséquent, le travailleur pourrait en principe, sur cette base, dénoncer la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et revendiquer l’indemnité de rupture sans préjudice de dommages et intérêts complémentaires.

De même, si le travailleur n’exécute pas le travail fourni pendant le délai de préavis, le licenciement pour faute (grave) pourra être sérieusement envisagé.

La Cour souligne que la situation est toute différente si la dispense de prestations pendant le délai de préavis a été prévue conventionnellement entre le travailleur et l’employeur.

Cela est possible et ressort de la liberté contractuelle des parties consacrée par le Code civil.

Attention que dans ce cas, le contrat de travail demeure, en ce compris les obligations contractuelles qui en découlent, dont l’obligation de rémunérer le travail même si le travailleur ne preste pas.

Le fait qu’il n’y ait rien d’indiqué dans l’accord des parties concernant le paiement de la rémunération malgré l’absence de prestation, n’induit pas que le travailleur ait renoncé à sa rémunération.

Nous pouvons rajouter sur ce point qu’il est interdit en principe de renoncer à l’avance à sa rémunération. Selon nous, même s’il pouvait être démontré un accord prévoyant que le travailleur renonçait à l’avance à toute ou partie de sa rémunération pendant la dispense de prestation de préavis, cet accord serait nul et la rémunération due.

Ce n’est que lorsque la rémunération est exigible (généralement à la fin du mois) que le travailleur pourrait y renoncer.

C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour de cassation (lien ici https://juportal.be/content/ECLI:BE:CASS:2017:ARR.20170130.4/FR) s’est prononcée dans le cas d’une suspension des prestations convenue à l’amiable pendant la durée du préavis : la Cour confirme que la renonciation du travailleur à invoquer la suspension du préavis, par exemple pendant une période d’incapacité de travail, ne peut intervenir que pour les journées déjà écoulées, et non pour les journées à venir.

Autrement dit, un accord prévoyant que le travailleur renonce à l’avance à la suspension du délai du préavis et des jours de paiement du salaire garanti y afférent, n’a pas d’effet en droit. Peuvent seuls faire l’objet d’une renonciation, dans ce cas, les jours de salaire garanti déjà passés.

En conclusion, cet arrêt nous semble rappeler utilement que :

  • La dispense de prestation pendant la durée du préavis est légale si un accord explicite des parties au contrat de travail peut être démontré en ce sens ;
  • A défaut d’accord, la partie qui ne s’exécute pas risque de se voir infliger la rupture irrégulière du contrat de travail à ses torts avec paiement de l’indemnité de rupture ;
  • La rémunération reste en principe due même si l’employeur démontre un accord du travailleur renonçant à l’avance à sa rémunération pour la période de dispense de prestation ;
  • On ne peut renoncer à l’avance à la suspension du délai de préavis et aux jours de salaire garanti liés.

1 Sous réserve de l’obligation de l’employeur de prévenir par écrit le travailleur dispensé de prestations qu’il soit s’inscrire auprès du service régional de l’emploi dans le mois.

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