Le nouveau régime fiscal restreint désormais l’application du taux d’impôt avantageux de 15% sur les revenus issus de la cession des droits d’auteur :

  • Aux œuvres littéraires ou artistiques uniquement ;
  • Et à la condition que le travailleur détienne une attestation du travail des arts ou, à défaut, que les droits d’auteurs soient transférés à des fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique, ou de reproduction.

Bon nombre de travailleurs sont impactés par cette réforme, on pense en particulier au secteur IT qui ne semble plus rentrer dans le champ d’application général voulu par le législateur.

Ces travailleurs qui ne bénéficieront plus de cet avantage fiscal verront du coup, en principe, leur rémunération nette diminuée vu que la partie dévolue autrefois à la cession de droits d’auteurs, taxée au taux avantageux 15%, sera qualifiée de salaire « normal » et taxée au taux global plus élevé.

Cela étant, le travailleur pourrait-il exiger de son employeur de compenser cette perte de salaire net ?

D’un côté, le travailleur fera valoir la protection de sa rémunération et qu’une diminution non consentie de son revenu net versé à la fin du mois violerait l’accord convenu avec son employeur sur l’évaluation de sa rémunération, négociée le cas échant à l’embauche.

De l’autre côté, l’employeur relèvera qu’il n’est pas l’auteur de la réforme, qu’il n’a d’autres choix que de respecter la loi et que partant, ce n’est pas à lui de payer pour les conséquences négatives des nouvelles décisions fiscales prises par le gouvernement.

Comment articuler juridiquement la réponse à la question ?

Il nous semble qu’une clé de résolution se situe au niveau des règles d’interprétation des conventions inscrites aux articles 5.64 et suivants du Code civil. Le contrat de travail est une convention civile, il ne faut pas l’oublier : il doit être interprété conformément à ces règles générales d’interprétation si les parties ne s’accordent pas sur les droits et obligations qu’il contient.

Il faut déterminer au cas par cas la « volonté réelle » ou encore la « commune intention » des parties, pour reprendre les termes légaux. Sur quoi repose exactement l’accord des parties par rapport à la cession des droits d’auteurs ?

L’analyse n’est pas forcément la même si l’employeur s’est engagé à garantir une partie de rémunération nette au titre de cession de droits d’auteurs ou si la clause prévoit explicitement qu’elle s’appliquera conformément aux normes fiscales, potentiellement mises à jour.

Il ne devrait donc pas y avoir de problèmes pour les contrats qui ont fait preuve d’anticipation, la question se pose surtout pour les autres… Quid en l’absence de clause précise ?

Dans ce cas, il semble que l’action du travailleur sera plus difficile à défaut de pouvoir se reposer sur une obligation contractuelle opposable à l’employeur.

Il n’est toutefois pas exclu que si, après analyse, il est conclu que la commune intention des parties était exclusivement d’optimaliser une partie de la rémunération, le travailleur pourrait faire valoir un droit à compensation.

Notons également que l’usage au sein de l’entreprise est une source de droit en droit du travail, le travailleur pourrait théoriquement fonder son action sur cette base mais il devra convaincre d’une pratique :

  • générale (applicables à tous les travailleurs ou du moins un groupe objectivement défini),
  • constante (c’est-à-dire octroyée durant une certaine période, sans interruption) et
  • fixe (c’est-à-dire prédéterminée, ne dépendant pas de la seule volonté de l’employeur).

C’est sans doute cette dernière condition qui fera débat : l’employeur pourrait faire valoir le caractère discrétionnaire de l’octroi de l’avantage et réfuter sa qualité de droit à portée générale pour tous les travailleurs de son entreprise (ou groupe de travailleurs objectivement défini), ce qui justifierait l’absence d’obligation de compensation de la perte de salaire net.

En définitive, il ne nous semble pas qu’il y ait une réponse générale facile à la question. Comme souvent, il s’agit d’une affaire au cas par cas. Il sera intéressant de suivre prochainement la jurisprudence à ce sujet et analyser comment elle se positionne face à ceci. Nul doute que les juges du travail seront amenés à traiter cette problématique.

Stay tuned !