Un manager peut être poursuivi pénalement pour ne pas avoir respecté les règles de bien-être liées à la maternité.

C’est le rappel utile rendu récemment par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, en chambre correctionnelle (disponible ici).

En l’espèce, ledit manager avait refusé d’adapter l’horaire de sa collaboratrice qui venait d’annoncer sa maternité et qui faisait valoir un certificat médical interdisant le travail de nuit.

A son retour de maternité, on lui imposa des horaires différents et on lui refusa des adaptations, contrairement aux autres collègues.

Poussée à bout, elle démissionna et porta plainte à la police.

Le prévenu est jugé coupable de deux chefs d’infraction :

  1. Ne pas avoir fait part sans délai au conseiller en prévention médecin du travail du fait qu’une travailleuse était enceinte (Article X.5-8 du Code bien-être au travail, sanctionné par l’article 127, 1° du Code pénal social)
  2. Ne pas avoir fait immédiatement examiner une travailleuse enceinte qui demande de ne pas accomplir un travail de nuit par le conseiller en prévention médecin du travail (article X.5-9 du Code bien-être au travail, sanctionné par l’article 127, 1° du Code pénal social).

Quant à la peine, le Tribunal juge que « les faits commis sont très graves, dans la mesure où il a manqué de considération pour l’intégrité physique et psychologique d’une travailleuse enceinte ».

En outre le Tribunal critique fermement la défense du prévenu qui arguait qu’il ne comprenait pas sa présence devant le tribunal, qu’il n’estimait pas nécessaire en qualité de manager de connaitre la législation relative au bien-être au travail, et qu’il estimait suffisant d’avoir appliqué les règles en vigueur dans l’entreprise.

Le manager est condamné à une amende de 8.000 €.

Ce jugement nous semble remarquable à bien des égards.

  1. Il rappelle qu’en qualité de préposé, le manager était investi du pouvoir de faire respecter la loi et cesser la situation infractionnelle, ce qui justifie sa responsabilité pénale : un manager ne peut donc pas si aisément éviter sa responsabilité et « renvoyer la balle » vers la personne morale de l’employeur ;
  2. Il rappelle que les obligations de protection de la maternité contenues dans le Code bien-être au travail (livre X, titre 5) sont pénalement répréhensibles : elles doivent être prises au sérieux ;
  3. De manière générale, tout manager « investi de l’autorité ou des pouvoirs nécessaires pour veiller effectivement au respect de la loi », doit connaitre la législation en matière de bien-être et ne peut se contenter de faire valoir les usages internes de l’entreprise.

On rappellera aussi que toute discrimination fondée sur le sexe est également pénalement répréhensible et punie d’une amende de 400 € à 8.000 € et/ou d’un emprisonnement d’un mois à un an.

Sur le plan civil, la réparation est fixée légalement sous forme d’une indemnité forfaitaire équivalente à six mois de rémunération due par l’auteur de la discrimination à la victime.

Il nous semble que pareille discrimination aurait pu faire l’objet de débats en raison du traitement différencié infligé à la victime en raison de sa maternité.

Pour finir, il nous semble utile de rappeler les obligations essentielles de l’employeur (en ce compris ses préposés investis du pouvoir de faire respecter la loi !) en matière de maternité :

  1. En partenariat avec le conseiller en prévention compétent, l’employeur doit effectuer une analyse des risques « pour toute activité susceptible de présenter un risque spécifique d’exposition aux agents, procédés ou conditions de travail (…) » « afin d’apprécier tout risque pour la sécurité ou pour la santé, ainsi que toute répercussion sur la grossesse ou l’allaitement de la travailleuse ou la santé de l’enfant et afin de déterminer les mesures générales à prendre » ;
  2. Les résultats de cette analyse sont consignés par écrit dans un document soumis au CPPT (s’il y en a un) et en tout cas disponible aux fonctionnaires chargés de la surveillance ;
  3. Si un risque a été constaté, l’employeur doit prendre les mesures adaptées afin d’éviter ce risque (aménagement provisoire des conditions de travail, changement de poste, voire la suspension du contrat de travail…) ;
  4. Obligation de faire part sans délai au conseiller en prévention médecin du travail de l’état de travailleuse, dès qu’il en a connaissance ;
  5. Interdiction de faire prester des heures supplémentaires à la travailleuse enceinte ;
  6. Interdiction de faire prester du travail de nuit pendant une période de huit semaines avant la date présumée de l’accouchement et pendant d’autres périodes sur présentation d’un certificat médical ;
  7. De manière générale, interdiction de discriminer la travailleuse enceinte (interdiction de licencier en raison de la maternité, de ne pas fournir le travail convenu au retour de maternité ou tout autre traitement désavantageux).